Compte rendu de l’atelier “Consensus” du 30 mai 2018
A l’occasion de la journée des ateliers du GDR Nost qui s’est tenue à l’Ecole normale supérieure de Cachan le 30 mai 2018, l’atelier « Consensus » a accueilli deux intervenants : Claude Gilbert, directeur de recherche émérite, UMR PACTE, et Francis Chateauraynaud, Directeur de recherche, EHESS GSPR. Cette réunion a aussi permis de présenter les ramifications de l’atelier ainsi que de réfléchir sur son organisation future.
1. Conférences
- « Chercher le consensus ou vivre avec les dissensus ? A propos de quelques expériences »
Claude Gilbert est directeur de recherche émérite au CNRS, politiste au Laboratoire PACTE (Sciences Po Grenoble). Ses objets de recherche sont les risques collectifs et les situations de crise (politiques publiques, décision, expertise, concertation…). Il a été responsable de programmes de recherche en sciences humaines et sociales autour de ces questions (dont le le GIS Risques Collectifs et Situations de Crise). Membre de divers conseils scientifiques, il a récemment été président du Comité Économique, Éthique et Social du Haut Conseil des biotechnologies. Ses interrogations portent actuellement sur le lien singulier entre l’ordinaire et l’extraordinaire au sein de nos sociétés (notamment, mais pas uniquement, à travers les risques et les crises).
L’intervention de Claude Gilbert s’est structurée en trois temps. Dans un premier temps, il s’est attaché à retracer l’émergence de la notion de risques collectifs en revenant sur les travaux menés à cette époque dans le domaine sanitaire. Puis, dans un deuxième temps, Claude Gilbert a resitué dans ce débat la place du consensus avant de revenir dans un dernier temps, pour illustrer ses propos, sur son expérience au sein du Haut Conseil des biotechnologies.
Claude Gilbert a principalement discuté des difficultés du recours au consensus comme pratique au sein des instances décisionnelles (notamment, mais pas seulement pour les acteurs, appréhendés en fonction de catégories formelles et abstraites et que l’on postule capable de dépasser leurs différences). Il a également largement discuté de la déconnexion entre les « scènes » du risque dans les débats publics et les lieux effectifs de la gestion des risques, qui sont « hors scène ». Les sciences humaines et sociales ne vont plus suffisamment voir, « hors scène », comment les risques sont négociés.
- « Modèles d’expertise et dynamiques des controverses. La fabrique des dispositifs cognitifs collectifs au cœur des processus critiques »
Après des études doctorales à la fin des années 1980, menées en plein renouvellement de la sociologie française, autour de chercheurs comme Luc Boltanski et Bruno Latour, Francis Chateauraynaud a exploré de multiples voies de recherches à partir de la sociologie pragmatique. Récemment, il a publié avec Josquin Debaz un ouvrage intitulé Aux bords de l’irréversible. Sociologie pragmatique des transformations (2017). En restituant l’histoire mouvementée de grandes alertes et controverses, comme la pollution de l’air, le nucléaire, les OGM ou les nanotechnologies, l’ouvrage opère un retour réflexif sur les sociologies contemporaines réévaluées à l’aune du pragmatisme.
L’intervention de Francis Chateauraynaud a majoritairement porté sur les outils méthodologiques pertinents pour penser les pratiques de consensus. Il a ainsi insisté sur l’importance de travailler sur plusieurs cas d’étude et de les comparer. Au delà des variations des terrains, il a également insisté sur l’importance de la variation des échelles ce qui suppose de rester attentif, au-delà des « boums médiatiques » aux signaux faibles qui sont souvent plus riches en enseignements. Enfin, Francis Chateauraynaud a souligné la nécessité de refuser l’analyse dualiste des situations qui
consisterait à ne chercher le formel que dans les arènes décisionnelles et l’informel qu’en dehors de ces arènes. Selon lui, dans les arènes décisionnelles, de l’informel ressort et, à l’inverse, en dehors de ces arènes, certains acteurs font rejaillir le formel.
Francis Chateauraynaud a ainsi mis en exergue les obstacles méthodologiques auxquels une recherche sur le consensus peut se confronter. Or, dépasser ces obstacles nécessite de multiplier les cas d’études et donc mener ces recherches dans le cadre d’un collectif de chercheurs.
2. Ramification de l’atelier
L’atelier « Consensus » a permis une ramification de ses activités. Un projet de recherche intitulé « Le consensus en santé et environnement – Analyse de la construction d’une pratique en contexte d’incertitude scientifique », porté par Sophie Gambardella, chargée de recherche CNRS et Nils Kessel, maître de conférences en histoire des sciences, a obtenu un financement de l’Université de Strasbourg pour deux ans (2018-2020).
Au croisement du droit international, européen et de l’histoire des sciences, ce projet consistera à analyser les conditions, les manifestations et les effets du consensus dans les processus décisionnels entendus au sens large c’est-à-dire aussi bien scientifiques, politiques que normatifs au travers de l’analyse de deux terrains de recherche plongés au cœur de l’incertitude scientifique : l’environnement et la santé.
Un cycle de séminaire verra le jour à partir de septembre 2018 dans le cadre du projet CONSENS. Ainsi, tous les deux mois, seront accueillis à l’Université de Strasbourg des intervenants ayant apporté une contribution majeure aux recherches sur le risque dans le domaine de la sociologie, de la science politique, du droit ou encore de l’histoire des sciences.
3. Perspectives de l’atelier « consensus »
Il a été acté le principe d’une fusion de l’atelier « consensus » et de l’atelier « Comment construit-on du pluralisme dans le champ des ST ? » (dirigé par Florence Bellivier, Université Paris Ouest Nanterre, CDPC, rattachée au Centre « Normes, sciences et techniques » de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne et Brice Laurent, CSI, Ecole Mines-Paristech).